jeudi 11 décembre 2014

TS: Les Etats-Unis et le monde depuis 1945

Voici le début du cours sur notre 2e thème d'histoire de l'année : les Etats-Unis et le monde depuis 1945.

Une partie du cours porte sur le cinéma américain comme aspect d'une puissance globale qui en cumule tous les aspects, comme le dit Huber Védrine quand il parle d'Hyperpuissance en 1999 :

"En effet, la suprématie américaine d'aujourd’hui s'exerce aussi bien sur l'économie, la monnaie, la technologie, les domaines militaires que sur les modes de vie, la langue et les produits culturels de masse qui submergent le monde, modelant les pensées fascinant jusqu'aux adversaires des États-Unis. C'est pourquoi j'emploie le terme d'hyperpuissance."


Ainsi, le cinéma américain est un vecteur privilégié pour propager à l'échelle mondiale les valeurs, la culture, la société de consommation, mais aussi les enjeux de sécurité nationale. 

On peut illustrer rapidement ce que véhicule le cinéma avec l'exemple d'un (mauvais) film de Francis Lawrence sorti en 2007 : I am a legend. qui est l'adaptation d'un roman de Richard Matheson paru en 1954, dans un tout autre contexte. Il est d'ailleurs assez savoureux de constater à quel point l'adaptation diffère du roman original !

De quoi s'agit-il ? Un brillant et beau médecin (Will Smith, qui a déjà sauvé le monde dans d'autres films comme Independance Day ou Men in Black...) officier de la navy, un des derniers survivants d'une pandémie mondiale transformant les hommes en zombies, continue ses recherches dans un labo secret d'un New York post-apocalyptique. Peu avant de mourir (en héros bien sûr) il confie à une autre survivante une fiole de son sang qui contient l'anticorps au virus car il est immunisé. Cette dernière gagne le Vermont, où une petite colonie de survivants s'est installée, dans un pittoresque village rural américain, sis sur une jolie colline verdoyante, cernée de murailles gardées par des GI's. La fiole qu'elle apporte permet à l'humanité d'enrayer la pandémie. Dans le film, c'est donc bien ce médecin qui est une légende pour avoir, en se sacrifiant, transmis aux survivants le moyen d'éradiquer la pandémie. Voir la scène finale.

Ce happy end où les EU sauvent le monde, tout à fait commun dans le cinéma américain,  puise ses racines au plus profond des mythes qui entourent la fondation de ce pays.

On y trouve là  l'idée messianique et biblique de la "city upon the hill" professée par John Winthrop, immigrant puritain arrivé en 1629 et 1er gouverneur du Massachussets. On y voit aussi l'idée universelle du phare éclairant le monde depuis cette nouvelle Jérusalem que souhaitaient fonder ces Pères Pèlerins. 

Ce film nous en apprend aussi beaucoup quand on s'intéresse au contexte dans lequel il est tourné (2006-2007) mais aussi au livre de Richard Matheson dont il est une adaptation, écrit dans un tout autre contexte (1954) et qui permet une analyse tout à fait différente !

Quel est le contexte de 2007 ? Les EU, en fin de 2e mandat de Bush se sont rendu compte de l'échec de la doctrine de ce dernier (façonner le monde) qui a donnée lieu, entre autres, à la guerre d'Irak de 2003. L'Irak est un échec, le  retrait des troupes est d'ailleurs amorcé. La situation en Afghanistan n'est guère meilleure. Les EU ont découvert les limites de leur hyperpuissance. Et ces limites sont d'autant plus évidentes que 2007 voit l'émergence de la crise des subprimes qui en se propageant à l'ensemble de l'économie mondiale va donner la crise économique dans laquelle nous sommes encore plongés aujourd'hui. 2007 est donc une année qui voit remettre en cause le modèle économique américain, dont la puissance est d'ailleurs contestée par de grands émergents, au premier rang desquels la Chine. 

Par ailleurs, l'idée que ce modèle économique a des conséquences néfastes sur la planète et les sociétés humaines s'est largement propagée, y compris à travers le cinéma américain. Le documentaire Une vérité qui dérange où l'ex vice-président américain Al Gore se fait en 2006 l'apôtre du réchauffement climatique global et le blockbuster Le jour d'après en 2004 ont déjà mis sur le devant de la scène les problématiques climatiques liées aux activités humaines. C'est donc d'une Amérique qui doute d'elle même, d'une atmosphère de fin du monde, que les scénaristes du film sont largement imprégnés. Ce qui ne les empêche pas, de donner dans le happy end hollywoodien... Incorrigibles optimistes qu'ils sont !

Le livre dont est tiré le film est fait d'un tout autre bois : le "héros"est blanc, classe moyenne, employé, habite une maisonnette avec jardin dans une immense banlieue de Los Angeles et tente de survivre, dans son tout petit espace, aux attaques des mutants. Jamais il n'est question de sauver l'humanité. Le "héros" n'a pas d'autre horizon que sa banlieue, ne sait pas comment cela a commencé et n'a aucun contact avec d'autres survivants. Au contraire du battant Will Smith, il finit par abandonner la lutte quotidienne et "rejoindre"les mutants... signant en cela l'extinction de l'humanité sous sa forme originelle. 

Dans ce livre c'est l'espèce humaine qui est une légende pour la nouvelle espèce mutante qui règne désormais sur la planète. Et le message de l'auteur Richard Matheson est que l'espèce humaine peut finalement n'être qu'une parenthèse dans l'histoire de la terre, parenthèse oubliée puisque elle en devient légendaire. Il est vrai que le contexte de 1954 est radicalement différent : la guerre froide fait rage, la Guerre de Corée vient de s'achever, la menace de guerre nucléaire est bien présente dans les esprits, à la télévision au cinéma et dans les écoles, des films et des dessins animés apprennent les bons réflexes en cas d'attaque nucléaire... l'extinction de l'humanité, ou du moins des Etats-Unis et de l'URSS est donc bien à l'ordre du jour quand Matheson écrit son livre. C'est cette même atmosphère qui imprègne le livre de Pierre Boulle La planète des singes en 1963, que le cinéma américain adapte en 1968, avec Charlton Heston en vedette.
Image iconique de la fin du film La planète des singes (1968) 

Avec ce petit exemple on se rend donc bien compte à quel point le cinéma américain peut-être très utile si l'on s'intéresse aux enjeux stratégiques des EU et aux relations que les EU entretiennent avec le reste du monde.

Toutes choses étant égales par ailleurs, on pourrait aussi s'intéresser à la mode récente des films mettant en scène la destruction des EU et du monde, la pandémie "zombiesque" mondiale de World War Z l'attaque de la Maison Blanche dans The White House Down ou plus récemment Interstellar qui met en scène un monde au bord de l'extinction...


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