dimanche 21 octobre 2012

17 octobre 1961, retour sur une nuit oubliée, un crime d'Etat.

Il y a 51 ans, en pleine guerre d'Algérie, les algériens de Paris manifestent pacifiquement pour protester contre un couvre feu discriminatoire qui leur est imposé. 


Le préfet de Paris, autorité suprême de la capitale qui n'a pas encore de maire, ordonne une répression brutale qui fait plusieurs dizaines voire centaines de morts. Les bilans officiels de l'époque font état de 2 morts, les archives de l'institut médico légal de Paris ne montrent aucune entrée de nord africains cette nuit là... et pour cause, beaucoup de témoins rapportent des cas de victimes jetées à la Seine. Aujourd'hui le bilan qui fait encore débat parmi les historiens est sûrement de plusieurs dizaines de morts... 

Rompant avec 51 ans de silence officiel, le Président Hollande a déclaré ce 17 octobre 2012  que "la République reconnaît avec lucidité la sanglante répression" de ces manifestations.



Manifestants arrêtés à Puteaux. Photo d'Elie Kagan
Dans ces tragiques événements, on peut évoquer en particulier le rôle du préfet Maurice Papon, ancien préfet de la Gironde de l'Etat Français de Vichy. Les mois qui précèdent sont tendus, le FLN commet des attentats en France contre les forces de l'ordre. De Gaulle échappe à des attentats de la part de l'OAS qui frappe également dans la capitale. Dans ce contexte le préfet Papon attise la haine des arabes chez les policiers. Déclarant le 2 octobre "pour un coup donné, nous en porterons dix" et plus tôt en avril "Les fonctionnaires de police peuvent faire usage de leurs armes lorsqu'ils sont menacés par des individus armés ou qu'ils ont des raisons de croire que leur vie est exposée. Vous êtes couverts par la légitime défense et par vos chefs". Ce qui revient à donner carte blanche aux forces de l'ordre.


Manifestants arrêtés conduits en autobus vers des centres
de rétention improvisés comme le stade Charlety
Au début de la manifestation, des rumeurs et fausses informations circulent faisant état de manifestants armés ainsi que de blessés et de morts parmis les policiers. Des messages mensongers circulent sur les radios de la police comme celui-ci : « Il y a dix policiers tués à La Défense, plus de cent blessés ; les Algériens nous attaquent au couteau » cité par Monique Hervo, témoin de la manifestation.

Il n'en faut pas plus pour que la violence se déchaine et marque d'une pierre noire pour la République cette soirée du 17 octobre 1961. 

Au delà du préfet Papon, on ne peut pas faire sans évoquer le Président de la République de l'époque, Charles de Gaulle, qui s'il n'a peut-être pas ordonné la répression, ne pouvait pas ne pas savoir. Mais cela n'est peut-être pas prêt d'être reconnu officiellement... Ce serait déboulonner la statue du commandeur ! Papon, le collabo, Papon qui a déporté des convois de juifs avec zèle, est encore un alibi commode.

Pour revenir sur ces événements je vous propose deux liens : 

- Le premier vers un reportage photographique d'Henri Georges, qui travaillait pour le "Libération" de l'époque et qui couvre la manifestation. Les photos sont commentées par l'historien Gilles Manceron.


- Le second vers un webdocumentaire très complet publié par Le Monde qui revient en détails, témoignages, cartes et documents d'époque sur cette soirée. Un immense travail.


Bonne lecture


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